Textes Français | Table des Matières

LETTRES CHOISIES

A.

Lettre à sa Mère et Devoirs d’Ecole

 

Ma chère maman

voudrais-tu me corriger les devoirs que tu trouveras à l'autre page et me les renvoyé demains où aujourdhui corriger je voudrais que je les retrouvent en revenant de l'etude tout corrigé ainsi que mon calcul.

tourne la page

PAGE DE CALCULS

Bien[1]

1 fte

0 fte

T. Bien

Le petit garçon studieux

Un papa et une maman regardaient un petit garçon qui travaillait avec ardeur à faire une Analyse et du verbe, ils n'avaient pas de taches et le cahier était bien propre  Aussi le papa et la ma maman aimaient le petit garçon de tout leurs cœurs

0 fte[2]

T.      B.

U.       

 

B.

A son Père Henri Charlot
Lettre du 8 Juillet 1909 Envoyée sous Forme de Rébus

Paris cet 8 Juillet 1909

Mont trai chair papa j’ai reuçut tâ lettr é j’aient déchifré thon raibus.  Qu’aice queu son cais 2 pié don tu m’en parl.  Je panse queue ceux son des plent deux mon bâlcon.  A bientô  mé aricô son t’elle bien

BON SOIR

J Charlot


C.

A la Bibliothèque Nationale, demandant l’Accès à la Collection Aubin-Goupil

17 Nov. 1914. 

Monsieur le Directeur

Je vous écris afin de solliciter une carte d'admission me permettant d'étudier les manuscrits mexicains de la Bibliothèque.  Ceux-ci sont un don de mon oncle, Mr. Eugène Goupil, américaniste distingué.  J'ai étudié moi-même cette branche difficile de l'Histoire qu'est la période comprise depuis les origines jusqu'à l'invasion Espagnole; mais les Manuscrits figuratifs, seuls restes de cette époque, sont d'une importance capitale.  N'ayant pu les approfondir que d'après les reproductions incomplètes du catalogue raisonné j'eus le désir de voir les Originaux dont mon oncle s'était dessaisi pour les léguer à la Nation.  Malheureusement on me fit savoir qu'il fallait des titres spéciaux pour être admis à étudier.  Or je n'en ai d'autres que l'envie de perfectionner ma science si imparfaite de l'américanisme!  Malgré cela, Monsieur, j'ose espérer que vous répondrez affirmativement à ma demande et que vous m'autoriserez à étudier des documents que j'aurais déjà entre les mains s'ils n'avaient pas quitté ainsi ma famille. 

Agréez Monsieur le Directeur l'assurance de mes respectueux hommages.

J. Charlot Goupil

Mr. Jean Charlot  64 rue de la Chaussée d'Antin, Paris.

le signataire...en effet neveu de... Goupil, il semble qu'on...(n)e peut lui refuser une carte[3]


D.

Ebauche d’une Lettre d’Affaire

 

In Beantwortung auf Ihren Vorschlag mir 1% commission zu gewaehren bedaure ich antworten zu müssen dass ich nur bei 2% Ihre Vertretung aufnehmen könnte und bei den in meinem Briefe gegebenen Bedingen[4] die den hiesigen Sitten und Gesetzen entsprechen.

In der Hoffnung Ihrer Genehmigung Verbleibe ich mit Hochachtung Ihr ergeben

M Charlot


E.

Ebauche d’une Lettre à M. Cheneau

Cher Monsieur Cheneau

Je viens de recevoir un échantillon de votre "correspondance militaire" dont vous me parliez si souvent quand j'étais civil.

J'ai trouvé votre lettre méchante.

Je suis trop las pour faire de l'ironie.  Permettez-moi d'y répondre simplement :

Vous m'accusez

1o de ne pas avertir quand je disparais

2o de ne pas répondre aux lettres reçues.

Or je suis parti le Lundi matin : Le Dimanche j'ai porté un bouquet


F.

A sa Mère, 10 Juin 1918

10 Juin

Chère Maman,

Je t’ai envoyé le 8 après-midi une lettre—Le 8 au soir, à Minuit, a commencé une préparation d’artillerie française en même temps qu’une boche.

De la première nous n’avons fait qu’entendre le bruit, mais la seconde s’est composée d’un envoi panaché de gaz et de fusants et a duré 6 heures à peu près.  C’était suffisant.  Nous avons gardé le masque tout le temps.  Nous avions d’ailleurs une sape où nous mettre.[5]

Les batteries d’artillerie qui se trouvaient devant nous ont fait sauter leurs pièces, et maintenant nous rejoignons en arrière pour nous reformer.

Tout hier nous avons voyagé à pied, en carriole—Naturellement je suis assez fatigué.

Le retour était curieux : Toutes les voitures de la batterie formaient une file immense.  Le lieutenant d’une des batteries, après être resté le dernier à ses pièces et les avoir fait sauter lui-même, s’était enfui dans un petit tonneau attelé d’un cheval blanc qu’il conduisait lui-même.  L’effet était assez comique.

Le départ à pied avait été moins drôle : Le P. C : Commandant, lieutenants, ordonnances, cuisiniers et radios, une trentaine d’hommes, tous à pied, au travers des champs et, devant et derrière l’artillerie en pleine action, tandis que les fantassins montaient en ligne.  Le temps était magnifique et toutes ces fumées brillaient au soleil.  Ça ressemblait à un Didier-Pouget (?)[6] sans bruyères.

Ce baptême du feu qui a été surtout un baptême du gaz s’est très bien passé.  Si tu goûtes les “mots héroïques” en voici un : Imagine la sape, mal éclairée par une bougie, tous les hommes en masque et le brouillard des gaz, Dehors l’éclatement des chutes :

“Pas étonnant que le gaz soit si cher!  Y-z-en foutent plein la rue.”

Prends-le pour ce qu’il faut.  Je te l’envoie tel que je l’ai entendu.

B Baisers

J Charlot


G.

A sa Mère, 8 Janvier 1919

8–1

Jugendheim[7] près Mayence

Tu vois que je ne m’étais pas trompé quant au terme du voyage. 

Je te joins 2 cartes postales que je n’ai pas envoyées encore.

Ici c’est uniquement boche.  Nous sommes très bien installés pour la popote dans 1 salle à manger et un salon.  Nos proprios sont archi patriotes mais nous reçoivent grandement.  Le père, pour nous épater, nous a offert du vin du Rhin (parfum et goût de figue)  Nous lui avons répondu par du champagne.

Tu vois que nous ne reproduisons pas ici les atrocités commises en France.  Je suis même étonné de l’absolue correction des soldats français. 

Les habitants qui mettent de la mauvaise volonté se font d’ailleurs attraper à fond—Le fait ne s’est produit qu’une fois à la batterie.

B Baisers

J Charlot


H.

Deux Lettres à sa Mère du 1er et du 24 Septembre 1919

1–9–19

Chère Maman

Voici du nouveau.  Je suis détaché provisoirement au commandement d'une section de munition qui va rentrer en France pour être dissoute. 

Je suis aux environs de Ludwigshafen, toujours.  Je viens d'arriver—J'ai pas mal d'hommes, de chevaux et de voitures, le tout en bien mauvais état, à prendre en consigne.  Beaucoup d'arabes—des fantassins.  J'aurai du travail pour mettre tout au point—Mais quelle montée en grade! et je suis commandant du village où l'on cantonne!—Trop d'honneurs—Au réel une corvée assez désagréable mais qui ne peut que me donner de l'expérience dans ce métier d'officier bien délicat à mon âge.  Les camarades m'ont accompagné jusqu'ici en auto.  Le capitaine m'a complimenté pour la façon dont je m'occupais de la batterie.  Il est vrai que j'ai fourni un gros effort, surtout n'y étant pas porté naturellement.

J'ai fait 2 petits paysages curieux.

B Baisers

Charlot

P.S. : Je ne sais pas pourquoi j'ai signé comme ça, C'est idiot.

 

24–9–19

Ma chère Maman

Toujours au camp de Souges.  Je vais assez souvent à Bordeaux.  La vie n'est pas désagréable, mais je préfère l'Allemagne, surtout parce qu’ici l'esprit est mauvais chez le civil, alors que là-bas nous sommes mieux traités.  J'ai ici de bons camarades et un travail peu absorbant, ce qui me permet de dessiner. 

Envoie-moi des nouvelles de la Gilde quand elle reprendra.  Y a-t-il du neuf dans nos affaires, la fin de l'année approche—et ma démobilisation aussi, je suppose en Mars–Avril.

B Baisers

Charlot

 


I.

A Arlette Bouvier

Ma chère filleule Arlette,

Comme je suppose que tu es assez grande maintenant pour lire et même écrire j’ai pensé à t’envoyer cette lettre parce que je ne sais pas quand je pourrai te voir et j’avais très envie de bavarder avec toi.

Je suis très loin, très loin de la France, dans un pays où les hommes ont des chapeaux plus hauts qu’eux, de gros pistolets à la ceinture et parlent une langue que tu ne comprendrais pas.  Quand je reviendrai à Paris et que nous aurons fait connaissance, si tu veux, je t’apprendrai à parler l’espagnol.  J’aurai aussi beaucoup d’histoires à te raconter, comment on voyage dans les grandes forêts où il y a des tigres qui vous regardent passer (comme en France les vaches regardent passer les trains) et comment il faut coucher dans des hamacs à cause des serpents.  Il y a des petits serpents qui ne mangent que des lapins et ils sont si paresseux qu’ils s’endorment avant d’avoir fini d’avaler, avec les deux oreilles du lapin qui leur dépassent par la bouche.

Il y a aussi des maisons très grandes, en pierre, comme on en voit à Paris, mais elles sont au milieu de la forêt, personne n’y habite et il y a de gros arbres qui leur poussent sur le toit. 

Bref, tu vois que nous aurons à nous dire beaucoup de choses.  J’ai seulement peur de rester si longtemps loin de toi que quand je rentrerai, je trouverai ma filleule une très grande fille que les histoires n’intéresseront plus et qui trouvera son parrain bien ennuyeux.

Je t’embrasse bien, ma chère Arlette et j’attends avec impatience ta réponse.

Ton parrain qui t’aime beaucoup, 

Jean

Mille baisers de Bonne Maman pour Arlette chérie.[8]



[1] Editeurs : écrit d’une autre main sur le calcul. 

[2] Editeurs : écrit d’une autre main. 

[3] Editeurs : note fragmentaire d’une autre main. 

[4] Sic : Bedingungen 

[5] Editeurs : Cette phrase a été ajoutée plus tard d’une petite écriture, probablement pour rassurer sa mère.  

[6] Editeurs : Charlot a épelé le nom correctement : William Didier-Pouget, 1864-1959, célèbre pour ses paysages de brume et de bruyères.

[7] Sic : Jugenheim. 

[8] Ajouté de la main de Anne Charlot, la grand’mère d’Arlette. 

Bibliographie